Poème de Pierre

L’hiver finissait son combat. Pourtant un vent venu du nord retenait encore le froid.

Le Vercors, avec ses flocons glacés, multipliait le poids de ses branches penchées.

D’héroïques rochers, regardaient passer les lèvres pincées des derniers fondeurs.

Le bruit de la glisse livrait des souffles et rapprochait les skieurs.

Des bâtons piquaient les pentes et soutenaient le corps en fièvre d’athlètes fondus.

Parfois, une voix disait : »deux, deux » et tissait, entre deux heureux, un lien fait de foi.

Quand s’épaississait la forêt, que la vallée noircissait, le coeur pouvait voir la flamme.

Les nez brûlés, les visages lumineux et les yeux sur les têtes, racontaient mieux la virée que n’importe quel poète.

Les chambrées, bercées par les notes de Manon, s’endormaient en douceur.

Les matins étaient des mains qui tâtonnaient sous des lits encore chauds.

Elles y trouvaient une esseulée chaussette, un bouton sans sa combinaison, un gilet fluo porteur d’une étiquette.

  Elles trouvaient aussi, une canne pliée, d’usées lunettes noires et quelques moutons fidèles au dortoir.

De gros doigts ganzaient de fins fils. De ferrées chaussures claquaient sur le parquet. Les duos finissaient par remplir minibus et petites voitures.

L’aventure, chaque jour,  recommençait. Chaque jour, le Vercors brillait au dedans comme au dehors.

Chaque jour, le Vercors donnait à l’invisible une touche d’or.

La Touche d’Or
Les Émouvants,
Py, février 2o19.